marie-martine mestre

Ah ! la Sophie !

Hier au soir. La nuit est déjà tombée, les trottoirs brillent de pluie dans la lumière morose des réverbères...Plantés à l'arret du bus juste devant le si gastronomique restaurant de renommée mondiale d'Anne Sophie Pic, nous attendons... Un homme parmi nous, pas trop vieux, mais l'air épuisé, les bretelles de son sac à dos lui scient les épaules... Il maugrée contre le temps, contre la vie, contre tout... "Moi, si on me respecte, j'ai de la mentalité pour les autres, si on me respecte pas, j'ai pas de mentalité" dit il en regardant les gens... Puis il se tourne faisant face aux devantures du restaurant, grand luxe sur tables visibles de la rue, et il se met à hurler "Ah la Sophie, j'suis sûr qu' t'es même pas capable de faire la bonne soupe comme ma mère"

Sourires discrets, parceque quand même c'est bon ce qu'elle prépare, la Sophie ! Le bus arrive, nous montons, cet homme plutôt clodo paye son ticket en invectivant le chauffeur.... Je descends pas trop loin de chez moi, j'ai encore une course à faire à la petite épicerie proche... je vois que cet homme est descendu lui aussi, s'est assis sur les marches d'une porte cochère, recroquevillé de froid, sa peine est bien aussi lourde que le sac posé à côté de lui... Une dame passe et s'apprête à lui donner un peu de monnaie, insiste car il ne veut pas la prendre.... Et tout à coup, il hurle à nouveau bras tendu,  montrant le poing dans le vide "mais j' le veux pas d' ton argent moi !... Donnez-moi à manger !"

Mon coeur s'est fendu, mes trippes ont sauté en l'air... et j'ai rebroussé chemin pour retourner à l'épicerie et lui acheter à manger.... Lorsque je lui ai tendu le sac plastique avec de quoi faire un repas consistant, des sous pour le p'tit café, il s'est mis à trembler sans oser me regarder. Les larmes aux yeux, le clodo hurleur....

"Bon Noel, madame, et pour vos enfants aussi !

Et tout à coup, un gros flash m'a traversé l'esprit... Tous ces repas, ces réveillons, en famille ou entre amis choisis et aimés, c'est juste pour sentir l'amour de la Mère, la Grande Mère, celle qui est la Mère à tous et nous donne chaud au coeur dans le partage du repas de Noêl...

Bien sûr que le fin repas si gastronomique ne peut que difficilement donner ça : l'amour de la Mère... Pas besoin de se compliquer les casseroles et les marmites, les p'tits plats dans les grands... Partager autour d'une table la chaleur, les bonnes choses toutes simples préparées avec amour, les sourires des yeux et du coeur, c'est vraiment ce dont nous avons besoin....C'est ce que hurlait le clodo



21/12/2012
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