marie-martine mestre

L'IMPERMANENCE

MON MUG !

 

Et zut ! Le voilà par terre, balayé de la table d’un geste malencontreux… fendu en plusieurs endroits, l’anse cassée…

Mon mug favori…

Il me parlait de Dieulefit, de sa longue rue montante au bout de laquelle se trouve l’atelier « T… » où  j’adorais aller flâner, regarder les objets en belle terre, assiettes, pichets, tasses.... Palper, soupeser, caresser de l’index, faire miroiter à la lumière, et même parfois  flairer pour retrouver un écho du pays d’où vient cette argile…J’ai mis du temps à le choisir, mon mug, car nous allions passer tellement de moments ensemble, comptant bien m’en servir très longtemps, toute la vie sans doute ! Depuis le café au lait du matin à la tisane du soir, du thé de 5 heures à une petite soupe légère bien chaude  pour couper la journée quand le froid devient trop mordant dehors… Mon mug, mes mains, mes lèvres le connaissaient par cœur ! C’était une promesse de plaisir, de réconfort, de partage avec d’autres mugs… Tandis que j’offrais le thé dans de jolis mugs plus raffinés, je lui étais fidèle, à lui, en toutes circonstances ! Mon mug, c’était un gros rustique, épais, posé bien calé avec ses bords droits… Emaillé de jaune presque miel, l’anse bien à ma main…Bon, j’hésitais quand j’ai été tentée d’en acheter un…Une petite guirlande colorée de fleurs provençales en farandole autour du bord ? Une branche d’olivier ou de lavande ?  Finalement ce sont des coquelicots qui m’on attirée, dans un style impressionniste, aux tons un peu fanés qui avaient eu largement le temps de se patiner depuis le temps qu’il était toujours ici ou là à m’attendre à la cuisine pour un bon petit moment de douceur….

L’impermanence des choses, le non attachement…Mais oui, je sais bien sûr !!!

Mais là, c’est pas de la philosophie, c’est pas pareil… C’était mon mug ! Thé après thé, café au lait après café au lait… un long chemin de compagnonnage… Au point que je ne sais pas si le thé aura aussi bon goût dans un autre…

Hier je ne pouvais me résoudre à prendre le café au lait dans un autre, alors, malgré ses fissures et l'anse cassée, je m’en suis servi…. Il a pu aller jusqu’au bout de mes tartines sans faire d’inondation… Je crois bien que je vais le garder encore un moment, même si un mug chinois attend son tour dans le bahut, patiemment chapeauté d’un couvercle qui fait un peu pompeux….

En fait, j’ai envie de revoir Dieulefit … Il y en aura bien un autre, tout content de venir vivre sa vie chez moi, je dirai presque un peu comme un chat inconnu s’invite sans façon, devient familier et vous fait savoir que la vie est bien agréable. Sauf que les mug, ça ne ronronne pas !!! Heureusement, sinon ça ferait un bruit de fond en continu !

Et  tout bien considéré l’impermanence, ça va, c’est pas trop douloureux !

4 mars

 

PS : Eh bien finalement j'ai pris le mug chinois tout neuf pour le café au lait...C'est pas la mer à boire de mettre en pratique les enseignements et ce nouveau mug a la gentillesse de tenir les boissons bien et longtemps chaudes !  Quant à mon mug de Dieulefit, je l'ai rempli de terre tout à l'heure, et j'y ai planté un nième petit jardin de succulentes et de crassulae... qui fait très bon effet ! encore l'impermanence qui fait des siennes. De mug favori qu'il était, il est devenu charmant pot de fleurs !!!  l'impermanence n'est pas forcemment la disparition totale des choses, des situations et des gens... Elle est aussi nécessaire au renouvellement, à la recréation, à la métamorphose...à la condition que l'impermanence soit baignée dans la prise de conscience de l'illusion sur la solidité du réel dont nous avons parfois du mal à nous défaire !!! Un soir où j'avais invité Lama Teunsang à donner un enseignement "pratique du dharma et vie quotidienne",  une dame déjà un peu agée lui raconte qu'on lui a volé ses bijoux... Elle sait qui a commis cette indélicatesse, quelqu'un de sa famille, et elle est très peinée et plus encore en colère... On s'en rend compte rien qu'en la regardant ! Elle demande à Lama Teunsang comment faire pour les récupérer, ces objets auxquels elle tient tant ... Lama lui parle alors de l'illusion des choses, de l'impermanence, de la vacuité, de la colère, du lâcher-prise... Et la vieille dame avec tout le respect qu'elle éprouvait pour le Lama lui dit que tout de même elle ne peut pas laisser la personne soupsonnée profiter des bijoux que son mari lui avait offert... Et Lama de continuer de manière plus incisive et forte de lui conseiller de lâcher prise... Tout à coup la vieille dame enregistre ce que lui dit Lama dans un petit éclair de compréhension et dit " Bon, c'est pas la peine que je garde ma colère et que je sois si attachée" Lama lui dit qu'elle a raison... grand sourires de part et d'autre, tout en connivence... Puis Lama lui dit avec un sourire d'un humour si tendre "mais vous pouvez lui demander les bijoux pour les récupérer maintenant que vous avez compris le lâcher prise, l'impermanence "  La dame le regarde comlêtement ahurie par ce qu'elle vient d'entendre, a un petit hoquet en sentant que Lama l'emmène à contre courant de ce qu'il lui avait expliqué, et finalement éclate d'un rire immense, un rire d'esprit libre "J'ai tout compris !" s'exclame-t-elle en regardant Lama qui venait de lui faire un très beau cadeau :libérer son esprit de l'emprise de la déception et de la colère !!! Dailleurs, nous avons tous profité du cadeau, par la même occasion !!!

11 mars



04/03/2013
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