marie-martine mestre

BOUTEILLE A LA MER

Surtout ne touchez pas à la boite aux trésors des enfants sans y avoir été invité ! Parceque même si à première vue toutes les babioles enfermées dans la boite ne valent pas tripette, pour eux chaque objet, bout de bois, bouton, touffe de poils de lapin ou de nounours, mot gentil sur un bout de papier, petite voiture cassée etc, est chargé d'émotions, de souvenirs, de questionnements qui habitent leur esprit et le font travailler en l'aidant à mûrir....

En chacun de ces bouts de trucs il a placé quelquechose de son coeur qui devra peu à peu faire un deuil ou faire connaissance avec un mystère pourtant bien familier dont il ne possède pas encore la clé,qu'il n'a pas encore apprivoisé... Ou même avec quelque chose ou quelqu'un qu'il connait bien, pour se dire à lui-même à quel point ce lien est important, mais aussi pour en venir peu à peu à l'affadir, après s'en être nourri et comme libéré pour devenir encore un peu plus lui-même...Ce trésor était comme un grigri dans son coeur, au fil des années il ne sera plus qu'un petit bout de bois ou une petite voiture cassée, sur lesquel s'attendrir, bien plus tard ....

Petite, je me demandais qu'est-ce-qui qui faisait la vie, la lumière....C'était constamment en moi, car j'avais besoin de me représenter la vie, la mort...   J'avais pris une bouteille d'encre, vide, vous savez ces bouteilles de forme rectangulaire à pans coupés, avec un bouchon de métal à visser dessus.... J'avais récupéré de tous petits bouts de laine, de minuscules bouts de ruban. De toutes les couleurs ! je les avais glissés dans le flacon que j'avais ensuite rempli d'eau un peu salée et bien rebouché... Je disais que c'était ma mer.  Et j'avais installé mon trésor au salon sur un joli meuble de marqueterie parmi les délicats bibelots exposés... Mamie râlait, et voulait jeter cette "saleté". Mais moi je tenais bon, et je défendais "ma mer" que je trouvais bien plus à sa place sur le joli meuble que ces nunuches de bergères caressant leurs moutons de porcelaine ou les pendulettes en émaux bien trop fragiles...

J'approchais "ma mer" de la fenêtre ensoleillée ou d'une lampe allumée, la secouais et regardais les micro bulles  d'air s'accrocher aux bouts de laine qui se mettaient à flotter et s'agiter dans l'eau....Aucune grande réponse ni révélation sublime ne s'est formée dans mon esprit, bien sûr... Simplement, je me remettais face au mystère...

 70 ans après, il n'y a toujours pas de grandes révélations, mais un sourire, quelquechose de léger et de joyeux s'élève et danse en moi, se réjoui de tout ce chemin d'intellligence qui s'est tracé en mon esprit depuis la bouteille à la mer ! Après avoir jeté l'encre, je n'avais pas jeté la bouteille à la mer, j'avais juste mis la mer dans la bouteille !!!

dimanche 21 octobre



21/10/2012
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