marie-martine mestre

HELLO ! MISTER EGO !

HELLO MISTER EGO !!!

 

 Dès que l’on commence à écouter des enseignements bouddhistes ou hindouistes, on apprend à se méfier d’un certain EGO…Dans les conversations ordinaires, c’est même devenu très courant d’entendre cette petite phrase : « ça doit être mon ego qui me fait dire, faire ou penser ça… Ah si je pouvais m’en débarrasser ! » Aussi mal à l’aise que si on venait de découvrir une invasion de poux dans sa chevelure ! On a tous plus ou moins fini par intégrer quelques petites notions sous l’étiquette karma, réincarnation, vacuité, compassion, ego, etc... et ça fait plutôt bien dans le paysage de glisser ces notions au milieu d’échanges entre connaissances…Et voilà qu’on nous dit ou qu’on croit entendre dire « il faut tuer l’ego » ! Pour une philosophie, ou plutôt un art de vivre la vie intérieure, où l’on prend le vœu de ne pas détruire la vie, c’est plutôt contradictoire !

Et finalement, on se retrouve avec de grandes pancartes à tous les carrefours de notre conscience annonçant  « WANTED : MISTER EGO » ce qui prouve bien qu’on le recherche toujours, et qu’on ne l’a pas encore amené, pieds et poings liés, au Shérif !!!

D’abord, il ressemble à quoi ce passager clandestin dont personne ne peut nous montrer la photo ? à un être inconnu tapi dans nos forêts profondes qu’il faudrait pourchasser pour le faire disparaître, lui et ses effets ? A une vraiment très mauvaise herbe qu’il faudrait éradiquer de notre esprit ?

Peut-être que c’est une attitude un peu primaire et très simpliste qui nous amène à voir les choses comme cela ! Il doit y avoir d’autres possibilités de surprendre l’ego en pleine activité, de comprendre ce qui se passe et ce que l’on nous enseigne !

 

Reprenons les choses à la base : tous, nous les êtres sensibles, nous souhaitons vivre du bonheur, un état dans lequel on se sent épanoui dans notre manière d’être et d’être en relations.  Et ça n’a pas tout à fait l’air d’être le cas de manière constante et bien répartie entre tous.

On nous parle des effets négatifs des émotions perturbatrices, Sans doute qu’il est intéressant de commencer à chercher de ce côté-là.  Les émotions négatives ? Dans le désordre, ça donne à peu près cela : la jalousie, l’avidité, l’orgueil, la haine. Et me voilà en pleine confusion mentale, l’émotion perturbatrice majeure, me rendant compte que je suis devenu(e) intérieurement comme prisonnier(e) de quelque chose en moi, quelque chose qui ressemble à un conflit et me bloque … On parle d’émotions conflictuelles. Chercher où est et en quoi consiste le conflit, c’est certainement une bonne piste de départ. Les conflits ne sont jamais signes de bien être ! Autrement dit, il y a conflit en moi entre ce légitime besoin d’un bonheur qui ne dépend pas d’une cause et dont je n’ai pas à craindre une fin, c'est-à-dire d’un bonheur paisible, joyeux et créatif,  et des états successifs où je me sens morcelé(e), où j’ai l’impression d’être le jouet d’un flot de mouvements intérieurs. Ces mouvements intérieurs n’ont rien de paisibles, ils oscillent entre destabilisation, décentrage, malaises et même névroses,  qu’on peut ressentir psychologiquement et même physiquement. Il y a souvent de la honte et du dégoût de soi qui ne sait pas se maîtriser pour être selon « l’idéal » de ce que l’on voudrait être et donner à voir. Comme si on avait revêtu un vêtement devenu un peu juste aux entournures et qu’on e sait plus se mouvoir librement. Ou bien au contraire, on verse dans une impression de supériorité qui nous coupe des autres, des situations, qui nous projette en avant dans notre tête bien plus vite que nos pas. C’est là, à cet endroit de soi-même dans le malaise et la honte,   que nous allons pouvoir nous asseoir, et observer ce bazar intérieur…On peu avoir et donner l’impression que tout va bien, mais dès qu’on se retrouve sans rien faire et en silence, on s’aperçoit que les émotions mènent le bal de l’agitation mentale dans le souk de notre monde intime, avec les angoisses et tous les maux et les mauvaises sensations physiques que cela implique.

 Alors, deux possibilités se présentent. Ou bien nous continuons de « courir » plus vite que notre ombre, comme Lucky Luck réputé tirer plus vite que son ombre. Avec le risque de devoir courir de plus en plus vite, bien trop vite même, tellement cela devient stressant.  Ou bien on se pose, on se met sur pause.

On apprend à rester calmes, centrés, tout en éprouvant ces mouvements de pensées, de sensations qui nous assaillent, qui nous font valser dans le tourbillon des émotions, bien agacés de ne pas ressentir le paradis en soi…Il va falloir apprivoiser ces états, ne pas s’en vouloir d’être le jouet de tous ces mouvements…Non seulement il faudra accepter ces mouvements désordonnés, mais il faudra aussi les accueillir en découvrant que c’est là que je suis dans l’instant, pas ailleurs. Que c’est moi qui suis à la source de tout ce bazar et que c’est là que je me sens exister, que je me rencontre et que je me trouve dans le moment même où je vis cela…. Il me faut cesser de me faire croire que je suis autre et ailleurs dans le temps ou dans l’espace…

 

C’est là que je me trouve dans la simplicité de ce que je suis dans l’instant… Ressentir les mouvements intérieurs de la pensée, des émotions, des sensations. Sans les cultiver si ça parait agréable ou flatteur, ni chercher à les rejeter quand ça défrise…quand ça défrise quoi ?   Eh Eh !  C’est peut-être bien mon petit EGO que ça frise ou que ça défrise ! Ah le voilà, celui-là !!! C’est justement ça, l’ego, cette complaisance à essayer de s’accrocher aux bonheurs que j’éprouve pour que ça dure et que je me sente en sécurité ! Cet effort pour ne pas être celui ou celle qui se sent mal à l’aise et rejette, dénie, donne le change, manipule…C’est un aperçu très sommaire et dualiste de l’ego… Nos prises de conscience peuvent devenir plus fines, plus complexes au fur et à mesure de l’observation… Mais il est bien certain que nous ne pourrons le voir, le rencontrer dans ses complexités et ses raffinements qu’en cultivant cette attitude d’observation neutre et même accueillante…D’abord en apprenant à méditer en silence, pratiquant Za Zen ou Shiné, l’assise en silence.  Une attitude d’esprit va se développer aussi bien assis sur le coussin pour commencer, qu’en vivant les divers aspects de la vie quotidienne. Car c’est cela le but : cette capacité de vivre en pleine conscience…Mais en réalité ce but là n’est pas le but. Il est un moyen… Car en apprenant à devenir conscients en restant centrés, les sens de la perception ouverts extérieurement et intérieurement, en cultivant la conscience de la respiration à chaque instant, «  inspire, expire »,  on réalise dans ce calme et cette clarté de compréhension qui se développent peu à peu que nous avons une grande liberté ! La liberté de se laisser aller aux pensées, aux émotions négatives qui s’élèvent ou de jouer le pari du bonheur avec une certaine légèreté intérieure… Liberté, fruit des choix que nous faisons, qui se font en nous avec l’entraînement : ou cultiver ces attitudes émotionnelles négatives qui nous renferment, nous énervent et nous rongent, ou laisser aller le souffle, « je suis conscient de l’expire, je suis conscient de l’inspire,  les souffles circulent, la vie circule et je peux laisser la transformation subtile se faire, passer de l’émotion négative à l’émotion qui ouvre, fait ressentir la légèreté, le plaisir et la joie »… Tout en restant centré…L’ego, celui qui nous fait nous agripper aux croyances qui ont pu nous rassurer un moment, mais qui nous fossilisent à terme.

 

Bien sûr c’est facile d’écrire cela !!! tout de même, ça demande une expérience vraiment vivante pour l’écrire !!! Quand on est sur le coussin, surtout en groupe guidé par quelqu’un, c’est relativement facile de voir les choses de manière aussi « simple et riante » ! On est portés par le groupe et l’enseignant.

Mais quand on est livré à soi-même, dans la rue, à la maison, avec son chéri ou sa chérie, avec la machine à café du bureau ou le petit dernier qui a encore perdu une chaussette juste avant de partir pour l’école, sans parler de l’état de stress dans lequel nous plongent les infos, c’est une autre histoire !!! C’est là qu’on va vraiment tout mettre à l’épreuve : soi bien assez content de ses progrès,  les enseignements et les initiations reçus, les entraînements intensifs et réguliers en taïchi, tchi kong, méditation, yoga… etc !

Car l’ego bien planqué, manifeste son caractère rebelle à tout changement, quand il se sent menacé. Du moins au début. Mais il peut aussi faire une grosse crise quand, après avoir entamé un chemin d’évolution d’une manière assez tranquille, il s’enflamme et défend bec et ongles des attitudes, des réactions qui  protégeaient bien son action sur nous jusque là ! A une personne qui lui avait demandé « comment reconnaître l’ego ? » le Druckchen avait répondu en riant « au fait que nous disons JE. Chaque fois que l’on dit JE , c’est l’ego qui s’exprime »

Et pourtant il a bien fallu apprendre à dire Je ! pour s’affirmer responsable, créer des liens et les vivre, participer à la vie du monde !!! Alors il me semble plus simple de dire que nous pouvons dire que ego est à l’oeuvre quand nous cessons de voir l’autre, et que nous nous enfermons dans notre monde égocentrique sans plus de contact, même si on a l’air d’être encore en contact ! Je voudrais ajouter que l’ego, c’est vraiment l’affaire de chacun au fur et à mesure que se déploie notre vision intérieure…et notre responsabilité de déjouer les effets de ses jeux.

 

 J’ai l’air de personnifier l’ego en en parlant. Mais je voudrais dire que l’ego, ce mécanisme qu’on appelle ego,  prend sa source au cœur même de l’attachement fondamental à la vie, à notre mère, au couple de nos parents... Notre vie, je dirai même notre survie en a dépendu dès le tout début, il le fallait bien ! Attachement à Maman, à Papa, à la famille, à tout ce qui a pu contribuer non seulement à nous aider à nous maintenir en vie, mais aussi à nous aider à nous développer et grandir…C’est de là que naissent les émotions à leurs débuts, aussi bien celles que l’on dit négatives que celles que l’on dit positives… A chaque enfant, on a donné un nom, il a pris sa place au sein de la famille et de la société,  sur une branche de l’arbre généalogique familial, tout comme sur les registres de l’état civil. Ce tout petit ressemble à un petit ange, satisfait, tout sourires et calinous, tant qu’il est en contact de près ou d’un peu plus loin avec maman. Un contact nécessaire, presque exclusif tant le bébé a besoin de cette sorte de matrice qu’est la présence sécurisante de maman, non seulement pour manger et recevoir les soins dont il a besoin, mais aussi pour s’éveiller à ce qui l’entoure et jouer… Si la présence vient à manquer, à devenir aléatoire à cause des frères et sœurs par exemple, c’est la peur, presque la panique qui va s’exprimer par des pleurs de détresse et des mimiques de colère, puis viendront la jalousie, l’avidité, l’orgueil quand le caractère du bébé va se former, son psychisme se complexifier avec les nécessaires frustrations, la perte de cette impression d’être le centre de la vie et des bonheurs de maman.  C’est l’ordinaire de la vie habituelle… Il y a des moments graves dans la vie des enfants qui les ont bloqués, figés dans des émotions devenues si violentes qu’ils n’avaient pas de moyens pour les exprimer,  qu’ils se sont comme effondrés à l’intérieur d’eux même reconstruisant par-dessus le cataclysme en développant des conduites parfois incompréhensibles. Ces émotions tellement violentes ont pu également être rejetées  par l’entourage parce que trop dérangeantes…La plupart du temps, elles sont devenues inconscientes et pourtant agissantes dans les jeux entre conscient et inconscient,  amenant ces êtres à réagir par la suite de manière bien souvent stéréotypée, inadaptées, dont ils ne savent pas trop comment « se débarrasser » quand ils s’en rendent compte et se mettent à en souffrir…

 

Ce mécanisme de l’ego se constitue de plus en plus agissant et complexe au fur et à mesure des étapes de la vie. Il est déjà là en potentialité dès que la vie s’est incarnée, est devenue un être humain.. Nous avons vu que l’attachement  à la vie, au maintien de la vie du corps, de la vie du psychisme, à la vie de la conscience était la condition même pour assurer la vie humaine, si difficile à obtenir… Les formes de vie sur la terre sont multiples, innombrables, bien plus que les étoiles du ciel ou les grains de sable sur la plage. Entre la forme de l’éléphant et la forme de l’orchidée, entre la forme d’un arbre et la forme d’un moustique ou d’un microbe, il y a des myriades de formes différentes…Dans ces myriades de formes, il y a finalement peu d’êtres humains…De ces êtres dont nous sommes,  chacun a la possibilité de prendre conscience des mécanismes mentaux qui nous animent… Pour dégager le bonheur de vivre et d’aimer des souffrances qui l’entravent et le rendent gris et pesant…. Cette vie humaine que nous avons eu la chance de venir vivre su terre, elle a quelque chose de fragile, car en arrière-plan de la vie et mêlée à elle inéluctablement, il y a la mort. Avec elle l’angoisse de perdre la vie, la panique du mourir…ce qui rend le mécanisme de l’ego encore plus actif et résistant…car lui agit toujours dans le sens de faire durer les choses dans l’espoir de garder au moins nos parcelles de bonheurs, même si ce n’est pas le grand bonheur nirvanesque … La mort est la pire des choses pour lui.. et pourtant nous sommes sans cesse en train de mourir, non pas parce que la vie se terminera par la mort, mais parce que nous sommes sans cesse en train de mourir à quelque chose !  Par exemple, il n’ y a qu’à voir tous les efforts que nous faisons lorsque nos cheveux se mettent à tomber à la suite d’une maladie ou des effets de l’âge venant, hommes et femmes à égalité !  Pour venir à la vie, il a fallu attirer les forces de vie, les 5 éléments, pour que s’organise peu à peu ce que nous sommes et ce que nous deviendrons… Ce n’est pas une organisation réglée et figée une fois pour toute, C’est une ensemble de dynamiques « inter agissantes »,  en constante émergence de la vacuité, création et transformation, d’un équilibre à l’autre, suivant des « schémas » dans le subtil que l’on peu appeler des mandalas…

Ce sont des sources d’inspiration pour la manifestation de l’esprit que nous avons modelées et rendues terrestres depuis des temps sans commencement…Nous avons élaboré toutes sortes de techniques pour nous dégager du « plomb » et manifester les incroyables potentiels de l’esprit d’amour lumineux dans nos vies terrestres…ce mécanisme de l’ego, perturbant, « morcelleur » est bien aussi subtil que les aspirations à cet éveil. Il est là, prêt à entrer en action et voiler les instants d’éveil, toujours. Il se forme dans le processus de la naissance, et voudrait bien survivre au processus de la mourrance, le processus de la dissolution de la conscience. Pour ceux qui sont un peu familier avec le livre tibétain de la mort, Le Bardo Tödol, cette idée de l’ego qui essaye encore de se  faufiler dans les replis de l’esprit en train de s’eveiller, cela est bien connu. C’est dailleurs pour cela qu’on lit ce livre à l’oreille des mourants pour les aider, même si la mort physique est déjà reconnue, à faire le tri, en quelque sorte entre les visions voilées par l’ego, et les visions de pleine lumière et oser choisir le chemin de cette luminosité même si elle parait aveuglante dans sa fulgurance adamantine…Car c’est la nature même de l’esprit éveillé…

 

Pour nous, ceux qui sommes bravement sur terre, empêtrés dans nos samsaras souvent sympas, mais décevants à la longue, car rien ne peut durer de ce qui nous amuse et nous fait bien plaisir, nous avons sans cesse à déjouer les pièges de l’ego que sont nos émotions perturbatrices…   

Répétitives ou fruit d’un traumatisme profond souvent tombé dans l’oubli, ces émotions perturbatrices, conflictuelles, deviennent comme nos démons intérieurs qui, en fait, pompent beaucoup d’énergie pour se maintenir en action… Il se peut bien également que des démons endormis depuis longtemps ou qui n’étaient jamais entrés en activité,  sortent de l’inconscient et se réveillent, à l’instar des volcans, par le jeu des prises de conscience successives…Les diverses étapes de nos vies : sortie de la petite enfance, adolescence, entrée dans la vie professionnelle, amoureuse, familiale,  le passage à la trentaine puis la quarantaine, l’arrivée à l’âge mûr, la vieillesse et tous ces petits lâchers prise qu’on doit sans cesse faire,  ces diverses étapes sont souvent l’occasion de réactivation de nos démons avec leurs cortèges d’émotions conflictuelles, ou de surgissements de malaises plus ou moins graves et pesants…

Attachements multiples et souvent de plus en plus subtils, pour vivre et devenir, attachements pour conjurer la peur de la mort et de tous les maux qui l’accompagnent jusque dans l’après,

c’est tout cela que petit à petit nous avons à affronter, avec gentillesse et fermeté, pour aider nos émotions à s’apaiser, pour aider ce processus de « fossilisation » qu’on appelle l’ego à se détendre,  pour aider notre élan de vie à s’assagir en restant vivant, je vais aller jusqu’à dire comme les Anciens Chinois Taoîstes « pour entrer vivants dans la mort »

 

Quel intérêt y aurait-il à prendre le temps de développer des qualités de lâchers prise, à nous demander d’observer les agissements de l’ego si ce n’est pour percevoir au fur et à mesure les situations et les moments  les plus adéquats pour se transformer, si ce n’est pour vivre heureux, sentir cette capacité de bonheur, de créativité au plus profond de soi.

Rejeter ce qui ne nous va pas et qui est cependant inéluctable pour manipuler la réalité, essayer d’attirer ou de conserver ce qui nous valorise et « nous fait du bien » ça demande beaucoup d’énergie ! Cette énergie risque bien de se cristalliser en névroses, de s’être concrétisée en noyaux psychotiques dans lesquels des colères aussi violentes que soudaines explosent, comme des volcans qui se mettent en activité …Se laisser aller aux émotions négatives, même en pensées, ça demande beaucoup d’énergie !

 Il y a une autre position de vie possible : cesser de combattre et refuser les jeux de l’égo, devenir ami de ce processus d’attachement, de rejet, de séduction, pour qu’il nous montre à chaque instant  là où il y a possibilité de lâcher prise, et de contentement paisible en développant ses potentialités d’éveil…Accompagner les dynamiques et les dénouements de ces schémas demandent de savoir repérer où sont les enkystements de l’égo, et surtout repérer, favoriser et  accompagner les nouveaux élans où la vie ressurgi fraîche, pétillante, regénérée par le travail qui se fait ! 

 

Il y a longtemps, j’ai passé tout un mois à peindre les pistils des lotus qui courent en frises en haut des murs du temple de Kagyu Dzong à Paris….Seule avec le Lama du temple, perchée sur une échelle, je peignais ces pistils, 3 traits noir par lotus, surmontés chacun d’une minuscule boule de pollen. Je devais les peindre rigoureusement de la même taille, en noir, sans faire de fantaisie… Pendant un mois ! Pas de rébellion, rien que de l’attention et de la patience… Dans cet exercice qu’était devenue la peinture les journées me semblaient longues et vides par moments… Le jeune Lama Seunam, fraîchement débarqué de son monastère himalayen, voyait bien mes efforts pour cultiver le calme, l’attention, la patience…Personne ne m’avait obligée à faire cela et j’avais commencé pleine d’idées romantiques et d’illusions à propos de ces lotus !  Ce Lama ne parlait pas un mot de français, ni d’anglais, mais quand il me voyait trop aux prises avec …avec je ne sais trop quoi, sans doute les fureurs égoïques qui m’agitaient, il me faisait signe d’aller faire un tour dans le parc en sachant bien que j’allais m’allumer une cigarette. Une tasse de thé bien chaud m’attendait quand je remontais dans le temple !!! Il se conduisait en grand frère qui aidait la petite sœur à se maîtriser, à grandir, sans la juger mais avec beaucoup de gentillesse. Je peux même dire de compassion pour la faiblesse de mes essais !  Vers la fin du mois, je n’étais plus seule pour peindre, un homme était venu nous rejoindre. Le hasard a voulu que nous ayons pris refuge ensemble auprès de Shamar Pa des années auparavant, dans la grande Pagode. A un moment, on nous a demandé de ranger nos échelles, nos pots de peinture et nos pinceaux, parce qu’un grand Lama venait d’arriver à l’improviste… Il allait nous donner un enseignement, à Lama Seunam, à cet homme têtu et à moi, comme un cadeau pour récompenser notre persévérance aux pinceaux.  Ce Rimpoche dont j’ai oublié le nom mais qui a fondé une école de traducteurs de tibétain à New Dehli, est arrivé et s’est installé face à nous, sa traductrice à sa gauche.

Il commence un enseignement sur le Mahamoudra… j’écoute, mais sans trop d’enthousiasme, en me disant que le dimanche suivant j’allais rejoindre Montchardon pour écouter le même enseignement donné par Lama Teunsang pendant une semaine ! Je me demandais bien ce qu’il allait pouvoir nous faire passer en une toute petite heure !!!  Et je l’entends dire « Finalement, je ne vais pas vous donner d’enseignement, vous allez me poser les questions que vous voulez et je vais essayer d’y répondre » Gloups ! J’avais dû penser un peu trop fort ! Mon petit ego chéri s’était un peu trop manifesté ! François a posé sa question « mais qu’est ce que c’est l’esprit ? » Réponse en trois mots qui nous ont propulsés dans la vacuité à la vitesse de l’éclair, juste un zeste de vacuité pour en avoir la mémoire à vie et chercher à refaire ce chemin ! La vacuité où les émotions ne sont que des vagues sur l’océan…

Quant à moi, j’avais une question qui me brûlait les lèvres depuis un certain temps : « Quand on est assis en silence sur le coussin, c’est facile de travailler avec ses émotions, C’est bien joli d’être sage sur le coussin, mais dans la rue, si quelqu’un nous bouscule, qu’est ce qu’on fait avec la colère ou la haine qui monte ? » Le lama Rimpotché me regarde tranquillement et me répond « tu fais ce que tu veux ! » avec l’air de me dire « tes réactions te regardent, c’est TA responsabilité »… Bon, moi j’attendais une réponse miracle qui m’aurait bien débarrassée de ce lent et long travail sur moi que j’avais amorcé des années avant en psychanalyse autant que dans la pratique du bouddhisme. Et bien, c’était raté !!! Et je me disais « oui, oui, je sais : le Bouddha a expliqué que même s’il l’avait voulu, il ne pouvait transmettre sa réalisation à qui que ce soit. A chacun de faire son travail ! C’est la responsabilité de chacun ! »   Puis se calant mieux sur ses coussins de toute son imposante carrure pour me faire face, le Rimpotché me scrute jusqu’aux tréfonds du tréfonds de tout ce que je suis, et ferme les yeux. Sa concentration était tangible, dense, vibrante… je ferme les yeux à mon tour, en lui disant  intérieurement « tu peux tout regarder en moi, je ne cacherai rien » Et je l’entends me parler « Dans ta vie ordinaire, si une émotion monte, apprends à la ressentir, à l’identifier. Même si tu l’as laissée s’exprimer. Apprends à ne pas t’identifier à ton émotion, ni à t’identifier avec l’objet ou la cause extérieure de ton émotion…. Peu à peu apprends à sentir monter ton émotion avant même qu’elle ne s’exprime, regarde la et laisse la se diluer. Puis apprends à la reconnaître de manière subtile quand elle n’est encore qu’une potentialité, elle s’autolibèrera dans le jeu même du continuum de ton esprit. Et tu pourras vraiment la transformer » Il avait rouvert les yeux, moi aussi… Il a continué : « Ecoutez, je vais vous raconter la vie d’une grande Yogini du Tibet, Machik Lamdreun, qui a montré le jeux des démons dans notre propre esprit, car ils ne sont pas ailleurs que là ! et a montré comment s’en libérer et nous a transmis la pratique de Tcheu, la coupure de l’égo »  Un grand moment de méditation en silence a suivi cette dernière phase de son enseignement. Puis il nous a proposé d’aller tous ensemble participer au Monlam extraordinaire que l’ambassade de l’Inde offrait à la ville de Paris ce jour là, jour de la Saint Jean ! Ce festival, une grande fête dans la plus pure tradition indienne, se déroulait sur les pelouses autour des bassins et des jets d’eaux entre le Trocadéro et la Seine...C’était féérique !  Participer à ces festivités, déguster tous les bons petits plats, écouter les orchestres, contempler les danseuses et les belles dames indiennes en saris, ce fut presque le meilleur de l’enseignement de ce jour ! Enfin, il fallait avoir reçu l’enseignement avant pour bien profiter du tout ; et cette fête parachevait l’enseignement !!! Tu peux jouir de la vie comme tu le veux, c’est le meilleur lieu de pratique du Mahamoudra, de cette pratique par laquelle tu t’efforces de transformer les démons, les émotions perturbatrices, ce phénomène qu’on appelle égo, en apprenant à en voir le côté vacuité et le côté sympa de la vie ordinaire !…Apprendre à voir s’élever les démons des émotions pertubatrices qui sont comme une crispation dans la conscience même infime, dans l’instant même leur couper la route, se représenter alors le mécanisme de l’ego comme un cadavre à la forme même de son propre « être-corps », et l’expédier dans le palais de la Mère Divine, la sagesse transcendante à l’immense pouvoir créateur de transformation, c’est tout le propos de la pratique de Tcheu. De ce corps mort symboliquement on tire toutes sortes de choses pour donner du plaisir et satisfaire nos démons afin qu’ils ne nuisent plus !!! Sagesse transcendante qui nous transforme ! L’égo n’est jamais un être à part en nous qu’on va pourchasser et tuer. Cela reviendrait à se priver de toute énergie vitale ! Ce que l’on coupe à l’instant où apparaissent ses potentialités, c’est le pouvoir de les mettre en œuvre et de nous faire replonger une fois de plus dans les eaux sombres de nos marécages, alors que nous pouvons être vainqueurs de ces tendances et nous sentir libres et légers, aimants et féconds !!!

 

Alors, oui, WANTED, MISTER EGO !!! Pour aller sur le chemin du bonheur grâce à lui !

 

PS : C’est à mon Lama Refuge SHAMAR Rimpoche, au Vénérable Lama Teunsang qui m’a construit et offert mon dhamaru de Tcheu en m’accueillant comme disciple, à d’autres Vénérables Maîtres de la pratique de la coupure de l’ego : Lama Guendune Rimpoche, le Gyalwang Drukchen, le Vénérable Kalou Rimpoche, que je veux dédier ce travail de mise en forme pour les remercier de tout ce que j’ai pu comprendre et apprendre avec eux…

Il y a bientôt 30 ans, nous avons été quelques uns à commencer ce chemin de la pratique du Tcheu Mahamoudra avec Lama Teunsang, faisant régulièrement des retraites avec lui…

Dès le début, parmi ces pratiquants réunis autour de notre Maître, il y a eu  un ami parisien de longue date, François Chenique.  Il est mort la semaine dernière. Ensemble, nous avons beaucoup travaillé, pratiqué, discuté et ri…C’est également à lui que j’ai pensé en écrivant, avec ma compréhension du chemin que nous avons entrepris il y a longtemps et toute mon expérience de psychanlyste.   C’est bien certainement « mon égo » qui a maniè la souris pour transcrire tout cela sur mon ordinateur, mais c’est bien moi, Marie-martine, qui a composé cet article. S’il y a des incomplétudes et des erreurs c’est bien moi qui les ai faîtes. L'intention de m’améliorer encore demeure !!!

 

"Partagez votre esprit aimant avec les autres et ils éprouveront la même chose"

c'est le conseil donné par Kunzig Shamar Rimpoché en ce début d'année.



01/01/2006
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