marie-martine mestre

LA CHOUCROUTE DE GRAND-MERE

LA CHOUCROUTE DE MA GRAND-MERE

 

      Elle avait commandé à son charcutier une belle palette fumée avec un jambonneau dès le jeudi, ou une saucisse de Morteau avec une bonne tranche de lard maigre…

Et le vendredi elle mettait ces charcuteries dans une casserole d’eau frémissante à peine salée, pour une demi heure, avec du laurier.  Puis elle les sortait du bouillon, les égouttait et les plaçait au frigo, ainsi que le bouillon de cuisson….

Grand Père et elle nous attendaient dès le samedi en début d’après-midi… Sacs déposés dans la chambre, Grand Père nous emmenait, c’était presque un honneur, à la cave retirer du saloir ce qu’il nous faudrait de chou fermenté pour le plat que Grand Mère allait préparer…Retirer le couvercle de grès du saloir, sortir les pierres de granit enveloppées d’un torchon, et les déposer dans une cuvette, en y ajoutant les couvercles de bois, les feuilles de choux, sortir le chou fermenté, oh ça sent bon, un peu fort ! Et le déposer dans une autre cuvette…Au passage il choisissait le vin qu’il allait nous faire goûter le lendemain… Monter le tout dans l’évier de la cuisine, laver soigneusement les pierres et les feuilles à l’eau claire et fraîche, les essuyer et les entourer d’un torchon propre , redescendre tout cela à la cave et refermer le saloir en re disposant tout bien comme il faut….Pendant que la choucroute trempait dans une cuvette d’eau froide, c’était l’heure du thé et du kouglof en belles parts épaisses, tout en se donnant les dernières nouvelles des uns et des autres…

Grand Mère avait sorti sa belle grande coquelle ovale en fonte noire, qu’on ne lave jamais avec un détergent de peur de lui faire perdre ses capacités de mener une cuisson à la perfection !!! Elles venaient de sa propre mère, ces coquelles de toutes tailles !!! J’avais hérité de la plus petite en me mariant ! Idéale pour préparer des pommes de terre au lard et aux oignons, bien dorées, un peu gratinées au fond ! Les vrais lorrains savent de quoi je veux parler !!! 

Au fond de la coquelle : du saindoux ou de la graisse d’oie, quelques couennes de lard, des tranches d’oignon et de carottes… Tout cela commence à fondre doucement à feu doux, tandis qu’elle rince la choucroute à plusieurs eaux si nécessaire et l’essore un peu entre ses mains pour en disposer la moitié sur le fond en égalisant sans tasser… du sel, mais pas trop, une belle douzaine de grains de genièvre, une ou deux feuilles de laurier, du thym éventuellement, 2 ou 3 clous de girofle, un tour de moulin à poivre, une gousse d’ail et un peu d’oignon émincés, des grains de coriandre…. La palette au beau milieu avec le jambonneau… Quelques tronçons de tranche de lard et elle recouvre le tout avec le restant de la choucroute égouttée… 4 ou 5 verres à moutarde de vin blanc ordinaire si on fait simple ce jour-là, ou même moitié vin, moitié bière. Une bière blonde parfumée et douce…Il faut que la choucroute baigne à peine dans le liquide, au moins au début de la cuisson, mais il ne faut pas non plus la noyer !…La cuisine embaume peu à peu. Une première heure de cuisson à feu moyen puis doux, en surveillant de temps à autre… Au bout de ce temps, on peut remuer le chou pour faire descendre le moins cuit en dessous du plus cuit et vérifier l’état de la cuisson des viandes… rajouter un ou 2 verres de liquide s’il le faut… et bien sûr quelques saucisses fumées. Si la choucroute a un tout petit peu « accroché » au fond de la coquelle, ne vous inquiétez pas, ce goût caramélisé va se répartir dans tout le plat avec le liquide que vous aurez rajouté…Prolonger la cuisson d’une bonne demi heure à une petite heure, en soulevant le couvercle de la coquelle pour voir si tout va bien. Grand-mère profitait de ce temps pour pétrir une pâte à quiche en papotant avec moi, me transmettant les histoires anciennes de la famille…Puis éteindre… L’heure de préparer le souper était venue.  Quelques carottes, un poireau, un navet mis à cuire dans le premier bouillon de cuisson de la palette en compagnie de bonnes pommes de terre fondantes, une feuille de laurier,une persillade au moment de servir, tout cela faisait un très bonne soupe, suivie de la quiche… Grand Mère aurait frémi d’indignation contenue en voyant les quiches, des « fouzitout » suivant son expression dédaigneuse, vendues un peu partout à l’heure actuelle ! La quiche est Lorraine par définition, moelleuse et parfumée… D’une bonne épaisseur, sans fromage, dorée sur le dessus et bien cuite dans la pâte aux rebords craquants ! Crème et lardons, des œufs…Et je me rends compte que je suis un peu comme elle.

La choucroute attendait au frais après avoir refroidi sur le coin de la cuisinière…Le dimanche matin,  Grand Mère se dépêchait de revenir de la Messe pour  ajouter les pommes de terre épluchées, coupées en quart dans la coquelle, remettre la choucroute sur la cuisinière et laisser mijoter encore une demie heure…Tranches de jambon et cervelas mis à réchauffer au dernier moment…La choucroute était prête ! Et nous aussi pour ce rendez-vous un peu sacré, sans chichis ! Car la choucroute ne sait pas être chichiteuse !

J’ai utilisé ce mot : une coquelle. Mon ordinateur n’avait pas l’air de le connaître et m’indiquait obstinément de le changer ; le dictionnaire non plus… Et pourtant, c’est le mot que j’ai toujours entendu chez moi pour parler d’une cocotte en fonte ! Comme on disait une papinette pour parler d’une cuillère en bois toute plate !!! Ce mot là, mon ordinateur ne le connaît pas non plus et vient de me signaler qu’il faudrait le remplacer !!! Bin ça alors ! D’où sort-il, cet ordinateur ? 

 

       Grand Mère avait l’habitude de prévoir 200 gr de choux fermenté par personne, ce qui fait de bonnes portions car en Lorraine, on ne lésine pas ! Vous pouvez prévoir un peu moins… Quant à la charcuterie, c’est au goût et suivant votre appétit…  Parfois, elle faisait cuire sa choucroute avec des morceaux d’oie et du lard maigre….Dans ce cas, elle adorait ajouter quelques grosses tranches de pommes glissées sous les morceaux d’oie bien enveloppés dans la couverture du chou. Mais cela demandait un peu plus de cuisson…

 

       Allez-y, osez vous lancer à préparer une choucroute ! C’est ce que Grand Mère vous fait dire !!! Sans hésitation, car c’est vraiment facile à préparer maintenant qu’elle vous a tout montré, et c’est tellement délicieux ! Surtout si vous choisissez de bonnes charcuteries pas grasses…  Quant à moi je vais vous avouer que lorsque je ne me sens pas vraiment en forme, le cœur en berne et le foie pas trop vaillant, eh bien je me prépare une bonne choucroute en repensant aux bons moments d’autrefois, et je me sens toute revigorée au fur et à mesure que je me laisse aller au plaisir de ce plat familial. Dans l’article « TAO-CHOUCROUTE DE GRAND PERE » je vous ai dit que c’était la religion de ma famille maternelle, mais je peux également vous confier que, pour moi, elle est également médecine aux effets incomparables !!! Me préparer une choucroute pour moi toute seule ? Mais oui !!! Car ainsi je me « soigne » et surtout j’ai le plaisir d’aller en apporter une assiette ou deux à des voisins ou à des amis ravis… Ou de les inviter à partager à la maison !

Pour donner plus de saveur à cette recette, vous pouvez aller lire "le TAO CHOUCROUTE  de Grand Père" dans la série d'articles "un p'tit coin de lecture" car chez moi la grande symphonie de la choucroute se jouait à deux mains, féminin masculin comme dans le Symbole du TAO ! 



16/10/2011
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