marie-martine mestre

Un bus de femmes

13 h ! Il est temps de quitter le marché de Fontbarlette et de retourner à la maison mettre les provisions au frais avant de préparer le repas du soir, l'un des derniers du Ramadan de cette année...

Les femmes se pressent en riant pour trouver une place dans le bus ! Et finalement boubous colorés, poussettes et caddies de marché bien remplis se calent sur les sièges et dans l'allée... gentillesse et pittoresque font bon ménage... Une belle grande femme café au lait à la bouche charnue arbore une robe très élégante, épaules couvertes par un carré de tissu chatoyant. Elle porte une casquette à carreaux des plus british vert écosse et brun. Et pour éviter que la sueur ne lui fasse trop de gratouillis sous le chapeau elle y a intercalé une longue écharpe de mousseline rose dont les pans retombent dans son cou !  Tout ce mélange de styles aurait pu être complètement improbable, mais c'est d'un très grand chic, tant elle a de l'allure.

 Une petite jeune femme slave couve du regard son bébé bien installé dans une poussette, toute mignone dans sa longue robe turquoise, vert et ivoire, foulard fuschia noué bas sur le front... un peu plus loin deux autres femmes slaves; l'une ondule comme une liane dans le vent dans sa longue robe ivoire et gris; L'autre, toute en noir le cou bien dégagé, a des airs d'icône au visage carré tout en douceur, de la même douceur que celle qui transparait dans les mots qu'elles adressent à la jeune femme et au bébé... oh ! ces regards attentifs pour entourrer et protéger la petite maman et son joli trésor endormi dans la chaleur ! Un peu plus loin, une femme du Maghreb, toute de bleu vêtue, de ce bleu qu'on appelerait gauloise, mais qui est celui des bédoins, tient fermement une poussette dans laquelle repose une fillette, trois ans peut-être, toute menue au teint pâle. On dirait qu'elle sourit aux anges en leur adressant des signes mystérieux de ses doigts si graciles... Sa maman soulève un peu son jikab de temps en temps... Echange de sourires discrets avec elle...mon Dieu comment fait-elle pour supporter les cahots du bus et cette chaleur ? Mais elle reste debout, imperturbable, un peu farouche...Une bonne doudou en boubou dodeline de la tête, à moitié assoupie et me frôle de sa robe vaporeuse, très froncée sous l'empiècement fait d'un croisillon ajouré de rubans rouges, jaunes, orangés du plus joli effet. ça doit lui assurer une bone ventilation !!! tout à coup elle sursaute, bredouille des excuses... ça me fait rire de la voir ainsi tout effarée, et je lui dis à quel point je trouve que sa robe est jolie, qu'elle lui va vraiment bien, que je l'avais déjà remarquée au marché ! Oh ce sourire heureux, celui de toute les femmes du monde quand on les complimente sur leurs toilettes ! "Eh oui, c'est les couleurs de l'été" me dit-elle...Une petite mamie, boucles blondes et panier sur ses genoux serrés, promène un regard amusé sur tout ce petit monde exubérant comme un parterre de fleurs parfumées, d'où partent toutes sortes d'appels et de rires parfumés, graves, cristallins, entendus, ...!

Toutes ces femmes qui rentrent du marché et rapportent de quoi non seulement nourrir mais ausi faire plaisir aux leurs, toutes ces femmes mes soeurs, je les aime, je me sens bien avec elles, à partager ce bref moment de sororité joyeuse... Elles savent bien que même si la vie n'est pas toujours rose, elle n'est jamais totalement noire...

 Au fond du bus, tournant le dos à tout ce monde de féminité, deux grands échalas bruns portant pantalons blancs impeccables et T-shirts criant le nom d'universités américaines prestigieuses à grands coups de logos imprimés dessus pour faire moderne... Tout de même, ils ne vont pas se mêler au monde des femmes, il faut bien qu'ils affirment leur masculinité à coup d'indifférence hautaine !!! Même si c'est dans ce monde là qu'ils ont pris racines !!!

Ah la la ! la vie !!!



14/08/2012
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